Picasso
C’est en 1953 — j’avais 19 ans — que je fis les premières photographies de Picasso. J’étais spectateur à la corrida aux Arènes d’Arles, et je découvris Picasso lorsqu’un matador lui dédia la mort de son taureau. Je courus vite à la sortie des tribunes le photographier… Ainsi commença notre amitié.
Picasso mon ami, Editions Plume 1993
Arles, le 15 décembre 1955
(…) Jusqu’à ce que j’aie vu Picasso… j’étais dans la plus parfaite solitude et faisais mon œuvre sans penser à plus. Après avoir vu Picasso et qu’il m’eut reçu à Cannes en me répétant : « Je n’ai jamais vu ça, je n’ai jamais vu ça », j’ai pensé, ou plutôt je me suis laissé convaincre que malgré mes 21 ans le moment était peut être venu de commencer à montrer mon travail.
Correspondance Jean Cocteau, Lucien Clergue
Lucien Clergue a côtoyé Pablo Picasso pendant vingt ans, étant reçu à de nombreuses reprises chez lui dans sa villa la Californie à Cannes, et à Notre-Dame-de-Vie à Mougins où il a fait son dernier portrait de l’artiste en 1971, deux ans avant sa mort. Picasso, enthousiasmé par les images des charognes et de saltimbanques de Clergue, a considéré qu’il était bien plus grand photographe qu’Henri Cartier-Bresson, et lui a fait ce compliment : « Les photographies de Clergue sont les carnets de croquis du Bon Dieu ! », ou encore, cité dans une lettre de Cocteau à Clergue daté 1956 : « Picasso m’a dit… toute son admiration pour votre série « Ventres ». On pourrait, dit-il, signer Renoir. » Grâce à Picasso, le jeune photographe a pu rencontrer non seulement Jean Cocteau, mais aussi le collectionneur et historien de l’art Douglas Cooper, qui lui a ouvert sa bibliothèque et sa collection d’œuvres extraordinaires au jeune homme, avide de stimulation visuelle. La générosité de Picasso envers Clergue et son admiration pour l’œuvre du jeune photographe a résulté dans de nombreuses collaborations, notamment l’illustration de Picasso pour la couverture du livre « Corps mémorable » en 1957, où les photographies de Clergue accompagnaient les poèmes de Paul Eluard ; ou encore l’affiche pour la première exposition du photographe à Cologne en 1958 et ensuite la couverture du livre « Poesie der Photographie » en 1960.