Les Toros
…ma mère née au milieu des taureaux de Yonnet au hameau de Faraman près de Salin de Giraud et ma nourrice, Mme Joyeuse, mère d’un torero, toute mon enfance devait me porter vers l’arène. Ma forte myopie et le port de verres épais m’empêchèrent d’approcher le taureau de trop près – bon prétexte pour cacher ma peur…
Prendre avec moi l’appareil photo c’était participer au spectacle… d’abord la mort du taureau, puis la célébration des grands toreros Ordonez, El Cordobès, Nimeño II, Paco Ojeda, auxquels j’ai consacré des livres, et tenté d’oublier parfois la passe classique pour trouver cette part de mystère qui rôde dans la piste et qui commet « la folle imprudence d’apparaître » selon le mot de Cocteau. Puis vint l’adaptation au flamboiement de la couleur et enfin les surimpressions avec des tableaux religieux qui équivalent à des ex-voto offerts aux toreros épargnés par le taureau grâce au légendaire « Quite du Christ » que l’on retrouve dans toutes les églises d’Espagne et jusque dans les dessins de Picasso…
J’ai même tenté une intrusion dans le cinéma puisque j’ai réalisé quatre films dont le premier Drame du Taureau, issu de conversations avec le torero Victoriano Valencia. Ce court métrage reçut le prix Louis Lumière et fut choisi par Claude Lelouch pour être montré en prélude à son film le plus fêté : Un homme et une femme.
Je suis heureux et fier de montrer… le résultat d’une fidélité au mythe qui m’habite et qui se déroule sur ce sable, fondement de mon travail. Sur le sable de la plage naît Vénus Aphrodite, sur celui des arènes le Minotaure est traqué à mort…
En espagnol SABLE se dit ARENA !
Lucien Clergue : 16 Février 2010